Interview Jessica Blum, Créatrice de “Jardin Alchimiqe”

Bonjour Jess ! Vous avez créé “Jardin Alchimique”, une aventure aux milles trésors allant de la création de vêtements à la fabrication d’essences spagyriques en passant par la formulation de cosmétiques alchimiques…

Pouvez-vous nous conter le parcours qui vous a amené jusqu’à la création de ce rêve-jardin ?

Pas si simple de retracer le commencer… Comme vous le mentionnez, le Jardin Alchimique c’est plusieurs projets qui s’entremêlent les uns et les autres, plus qu’un parcours linéaire, c’est plutôt un chemin en spirale, avec parfois des étapes où l’on revient vers le commencement, mais avec 10 ans de vie en plus…

C’est un peu ce qu’il s’est passé, j’ai grandi à la campagne, j’ai toujours été proche de la nature, et passionnée par les plantes. J’avais commencé une formation en 2008, mais j’ai été fort refroidi par le côté commercial de ce métier..me sens pas vraiment à la hauteur d’utiliser le terme “alchimique”, tant c’est une voie profonde, et je ne voudrais pas la dénaturer et influencer à utiliser le terme “alchimie” pour tout et rien, car la véritable alchimie traditionnelle mérite vraiment sa place d’honneur.

D’autre part, le projet se tourne de plus en plus vers les thérapies externes et les soins ancestraux, et je vis à présent dans une nouvelle région, la région de mon enfance, après l’avoir quittée il y a près de 15 ans… Je ressens déjà que la Nature m’impacte fortement, et une nouveau lien se tisse dans ma relation avec la médecine végétale. Il y a aussi une rivière très importante pour moi, celle de mon enfance, qui est très liée à ma voie intérieure, et récolter les plantes médicinales de la région est très particulier.

Il est possible que le Jardin Alchimique se transforme avec moi… Mais il me faut encore trouver le lieu adéquat pour manifester pleinement ma vision, car depuis 4 ans, je recommence chaque année un jardin dans un nouveau lieu… Il est temps à présent de créer un Jardin ou le projet puisse s’enraciner sur du long terme… et laisser les nouvelles graines germer ! L’idée global du projet est vraiment de créer un lieu de retraite, un lieu de soin, un lieu interdisciplinaire ou différentes pratiques puissent se rejoindre pour le bonheur et la santé de tous.

Vous partagez également énormément à travers de nombreux ateliers, des soins personnels sous forme de consultations, et des stages principalement destinées aux femmes et à leur santé au sens noble du terme.

Quels moyens proposez-vous pour aider les femmes à reconnecter avec leur équilibre ?

Beaucoup de femmes cherchent à se soigner à travers les plantes, mais c’est souvent un parcours difficile. Et j’observe que la cause est souvent liée à une déconnection totale de leur corps, de leurs sensations… On aime les plantes, mais ça reste très cérébral, on a beau avoir beaucoup étudié, ça ne marche pas…

Et souvent le corps est en stress permanent… Donc nous n’entendons plus les messages subtils qu’il nous envoie, et on agit seulement lorsque l’on a très mal, et que l’on est en crise. Revenir à son corps est tout un chemin, et nous sommes très doué pour l’éviter…

Tout dans notre société est fait pour nous déconnecter de notre corps, et ça n’est pas parce qu’on est sportif qu’on est forcément dans une réalité sensorielle du corps… Là aussi, il faut encore comprendre comment rentrer dans la sensation de ce que l’on vit, développer un rapport sensoriel avec ce corps, le toucher, le goûter, le sentir, et apprendre à écouter, affiner nos perceptions. Le système nerveux s’apaise, on se sent aussi plus nourri sur un plan affectif, on est plus attentif à ses besoins et on ajuste ses choix, et lorsque notre corps nous envoie un signal d’alarme, parfois simplement se poser, respirer, apprendre à dire non, apprendre à dire oui, nous évitons de tomber malade et d’avoir recours aux plantes.

Donc, la première chose que j’apprends aux femmes, c’est de renouer avec leur corps, pas avec des exercices physiques répétitifs, ou une forme de yoga coupé de son essence (car yoga signifie “Union”, et non “Posture”…), mais avec une écoute sensible et poétique. J’utilise beaucoup le travail du souffle, la méditation, des yogas internes, des massages, et bien sûr la danse.

J’essaie d’aider les femmes à renouer avec leur bassin dans la joie et la poésie, car les femmes ont besoin de ressentir leur plaisir avec l’amour et la sensualité. Nous en avons assez des procédés médicaux, des rééducations du périnée, des pilules contraceptives, etc etc …

Ensuite, nous utilisons les plantes médicinales, car elles peuvent bien sûr nous aider à soigner différents maux/mots, mais aussi à redécouvrir un contact sensoriel avec la nature, à travers les parfums, le goût, le toucher, la vue…

C’est ce que vous proposez dans vos retraites holistiques ?

Oui, nous alternons l’étude des plantes, les reconnaître, les récolter, les transformer, à des moments de pratiques corporelles, on travaille son corps, son coeur, son bassin, son périnée, mais toujours avec la joie de danser ensemble, avec la présence du souffle dans notre colonne vertébrale, qui nous permet de rester ancrée à la terre, sans trop partir dans des fantaisies…

Car nous avons aussi beaucoup d’imagination, et parfois rester connecté au corps sans créer un dogme autour du féminin n’est pas évident. Il est important pour moi de garder la simplicité de la Terre, l’humus, l’humilité, et de rester un peu équanime face à ce que nous ressentons quand nous vivons certaines “libérations”, ou certains moments de plénitude. Parfois on peut ressentir quelque chose de nouveau, et l’interpréter comme une sorte de révélation, et l’enfermer dans une nouvelle croyance. Je souhaite éviter cela… Et la présence au corps, ou souffle, la méditation et la danse sont des outils merveilleux pour ça.

Ainsi au lieu de se reposer sur nos acquis nous allons toujours plus loin dans la compréhension de notre corps de femme, car il est très difficile de trouver des réponses via la médecine allopathique. Il y a tout un chemin à redécouvrir sur la santé des femmes, les auto-soins, la gynécologie, l’accouchement, la maternité, etc..

Les retraites que je propose sont aussi un peu comme des laboratoires, car moi même j’apprends sans cesse de mes stagiaires. J’essaie de proposer plutôt des moments ou l’on revient à soi, pour redécouvrir notre propre potentiel de sagesse et de guérison, plutôt que d’apprendre sans arrêt de nouvelles techniques, qui finalement nous dispersent plus que de nous ramener vers nous mêmes.

Bien sûr, j’y propose des outils concrets pour travailler avec les plantes, nous étudions aussi des bases de l’herboristerie, afin de pouvoir réaliser différents remèdes correctement, où là je laisse les participantes s’adonner un peu plus à leur intuition. Je pense que c’est intéressant de travailler à la fois avec une certaine rigueur d’apprentissage, que ça soit à travers la danse ou les plantes médicinales, et alterner avec des moments de libertés, d’intuitions, de créativité, de poésie.

Etre herboriste c’est aussi pour moi être artiste ! Il y a quelque chose à ressentir, à vivre avec son coeur quand on oeuvre avec la nature…

Pouvez-vous nous donner quelques retours positifs marquants de vos accompagnements sur des problématiques concrètes pour donner un peu d’espoir à nos lectrices qui seraient en proie aux mêmes genres de dysfonctionnement ?

Je suis souvent confrontée à des femmes qui ont des problèmes au niveau de leurs menstruations, et le retour le plus gratifiant pour moi et pour elles, est de pouvoir apaiser leurs douleurs et retrouver un cycle régulier grâce à la danse et à la rythmicité du mouvement, sans avoir recours aux plantes. Mais ces cas là sont assez isolées car en général on préfère la facilité, et donc absorber une plante, quelque choses à l’extérieur de nous…

J’ai aussi travaillé avec une personne qui n’avait plus du tout de menstruations. Elle n’était pas à l’aise avec le mouvement, même très léger, et nous avons plutôt travaillé avec des massages et des soins aux herbes en thérapie externe. En deux mois elle a pu retrouver ses menstruations qu’elle n’avait plus depuis deux ans.

Je vous remercie, je suis sûr que cela donnera du baume au coeur à certaines personnes ici.

Vous travaillez l’alchimie et la spagyrie. Pour beaucoup ces notions restent assez floues et renvoient à des pratiques anciennes. Comment pourriez vous définir ce que sont ces deux approches de la Nature et de sa transformation par l’Humain ?

C’est assez complexe de définir ces deux approches, surtout en quelques lignes. L’alchimie est une voie initiatique de transformation intérieure, qui passe par l’expérience au laboratoire. Notre oeuvre au laboratoire est le miroir de notre transformation intérieure. Ce qui est vécu dans la matière du laboratoire (ce sont souvent des voies métalliques plus que les plantes) est le miroir de ce qui est vécu dans notre propre matière.

C’est une voie assez spirituelle, mais personnellement je ressens qu’elle a beaucoup perdu de sa lumière et ce n’est pas le chemin qui me parle pour évoluer intérieurement.

Par contre la spagyrie m’apporte certains outils intéressants concernant les plantes. La spagyrie est la voie thérapeutique de l’alchimie, et n’est pas toujours rattachée à une vision spirituelle. Elle travaille l’aspect médicinal d’une plante, en la purifiant sur ses trois plans (corps, âme, esprit), c’est sur ce point que la spagyrie est assez proche de l’alchimie.

Mais dans l’aspect pratique, c’est plus une voie thérapeutique, proche de l’herboristerie et de la naturopathie. Il y a souvent un aspect “mystique” un peu surdéveloppé avec la spagyrie, comme une sorte de fascination, mais elle reste une voie assez concrète et pragmatique, c’est de la cuisine de plantes !

Entre les plantes, les soins, les stages, la gestion de votre site, les très beaux articles et très belles photos que vous partagez, vous arrivez à garder du temps pour vous ?

Non, pas du tout, il y a nécessité à ne pas m’oublier dans mon projet et ceci va amener le projet à évoluer également. Nous ne sommes vraiment pas aidés dans ce genre de métier, et c’est vraiment la solidarité qui nous fait avancer dans ce système où tout est fait pour nous couper du vivant.

La sécheresse ces deux dernières années a été très préoccupante, j’avais trop mal au coeur de récolter, surtout cette année, en voyant la forêt mourir littéralement sous nos yeux. Au mois d’août, le sol était couvert de feuilles mortes, les petits fruits et autres plantes complètement desséchés…

Les arbres sont ravagés par les maladies. Ce constat est très alarmant pendant que les regards sont tournés ailleurs, et il nous faut développer beaucoup de résilience quand on porte un projet comme le Jardin Alchimique. Je ne sais pas dans le futur ce qui sera possible…

les temps sont très incertains, mais garder la santé et la joie avant tout est une priorité.

Avez-vous des projets prochainement, de nouveaux stages ou nouveaux ateliers ? Où pourrons-nous vous retrouver prochainement ?

Comme dit plus haut, pour le moment il y a beaucoup d’incertitudes, par rapport à la tournure que prend ce monde. Vendre des produits me pose de plus en plus problème… D’un côté cela apporte des bienfaits autour de moi, mais je ne sais pas si ça règle vraiment les problèmes de fond… Et c’est toujours prendre quelque chose à la nature… Bien que j’adore réaliser des potions en tout genre, ce n’est pas l’activité que je souhaite plus développer, et j’aimerai me tourner vers des formations longues, en y intégrant un travail corporel.

Cela prend un certain temps, ça sera probablement pour 2022, et l’année prochaine sera proposé des formations en plus petit format, et je travaille actuellement sur une ou deux formations en ligne. L’aspect numérique ne me plait pas tellement, mais il y a une demande très forte, et vu la situation actuelle, c’est une possibilité. L’une sera axée sur la santé des femmes, l’autre sur la transformation et préparation de produits à  base de plantes.

En mars 2021, je donnerai également une retraite avec mon amie et danseuse professionnelle Carolina Fonseca, axée sur la danse féminine, le yoga interne, les massages aux féminins et la gynécologie holistique.

Pour la suite, j’ai d’autres projets que je garde encore un peu secrets, mais il me faut pour ça trouver un lieu ou développer ce projet sur le long terme.

Merci pour votre précieux temps, au plaisir de vous recroiser sur un évènement commun un de ces jours !